Cette crise sanitaire qui n’en finit pas, ce « grand huit » psychologique que ce virus nous fait vivre depuis presque un an, entre espoir (vaccin…) et angoisse (troisième vague ? …), ont une conséquence inattendue, mais peut-être bénéfique : le retour aux sources de la valeur Travail et de la Qualité de Vie au Travail (QVT).

L’habillage esthétique qu’avait revêtu la QVT a volé en éclats, tel un vernis superficiel qui ne pouvait pas résister à une crise si violente… On a valorisé le côté face, à savoir assimiler la QVT à l’installation d’un baby-foot dans une salle de pause ou à l’organisation de quelques moments de détente (certes nécessaires mais pas intrinsèques à la QVT) en pensant qu’il ferait oublier le côté pile qui consistait à maintenir une pression bien réelle sur les managers comme sur les équipes.

Le problème est que la mise à distance imposée par le télétravail a bouleversé ce fragile équilibre et a surtout décuplé la visibilité et l’impact du côté pile, celui de la pression, qui laisse certains salariés dans un état de détresse psychologique avéré. Le télétravail (quasi) généralisé a modifié le focus. Le superflu a volé en éclats, ne mettant en lumière que l’essentiel, ou le manque d’essentiel.

Un manager ou un collaborateur en télétravail laisse apparaître l’intérieur de son habitation (une partie en tous les cas…). Cela peut sembler un détail, mais c’est une partie du masque social qui tombe avec ce petit détail. En « zoom », si on entend le chien aboyer ou un enfant pleurer, ce sont là encore quelques signes du masque social qui tombent. Les collaborateurs ont face à eux cette double image du manager et de l’homme (ou la femme) dans sa vie privée… et vice-versa. Au bureau, nous menons une vie sociale, nous jouons un rôle (quoiqu’on en dise…) comme au théâtre, et subitement nous devons jouer notre rôle dans un autre décor, qui plus est dans le décor qui nous est le plus intime, notre « chez soi ». Le manager qui pouvait faire preuve de comportements managériaux parfois maladroits voire « déviants », se retrouve à devoir les assumer dans son intimité, à quelques mètres de ses enfants ou de son conjoint… Le manque de vraie bienveillance devient flagrant… De même, le collaborateur (voire le manager) pour qui il était important, voire existentiel, de dire à ses proches qu’il était « important » dans son entreprise se retrouve à devoir rendre des comptes, tel un enfant à l’école, à un manager qui l’appelle parfois plusieurs fois par jour pour le contrôler… Comment tenir une « belle image » face à la famille quand on n’a plus d’espaces distincts (le bureau et la maison), ni de sas de décompression représenté par le trajet domicile-bureau ? La crise sanitaire a tout remis à plat, peut-être pour le meilleur, à savoir une QVT basée sur l’authenticité.  

Par ailleurs, le temps de l’immédiateté du résultat et de la performance a suspendu son vol. Le contexte d’incertitude (VUCA) s’est trouvé surplombé par le souci mondial de la préservation de la santé. Cette incertitude qui se concrétisait par des équipes secouées : « plus vite… », « c’est trop long, le projet doit être développé plus rapidement… », « la cohésion d’équipe ? oui, mais tout de suite, en une journée de séminaire… » a laissé place à la vulnérabilité, le stade ultime de l’incertitude, laissant l’entreprise et les managers démunis face à cet enjeu.

De la même façon, les salariés repensent leurs valeurs. Doit-on valoriser le présentéisme pour le présentéisme ? En octobre 2019, une étude Glassdor montrait que 30 % des salariés n’osaient pas quitter le bureau avant 18 heures, de peur d’être jugés et quitte à travailler sur des tâches personnelles en fin de journée… Cet hyper-présentéisme est valorisé par une culture managériale qui le favorise et qui est, comme dans tout cercle vicieux, alimenté par les plus ambitieux qui en font un levier de réussite. La crise sanitaire a, là aussi, secoué toutes ces croyances, ramenant chacun à ses valeurs essentielles, les proches, la famille, la santé, le « care »…

Depuis presque un an, le temps s’est plus ou moins figé. La vie en entreprise a suivi son cours, mais en redécouvrant le temps « long ». Et si nous avons hâte de profiter à nouveau des instants « futiles » (les « pots » au bureau, les échanges à la machine à café…), la brutalité et la durée de cette crise sanitaire nous ont confrontés aux véritables enjeux de la QVT, ramenant le baby-foot au rôle d’accessoire…

Si, dans quelques mois, la crise sanitaire est derrière nous (souhaitons le…), qu’en sera-t-il des salariés qui continueront à porter le masque ? Se moquera-t-on d’eux ou les respectera-t-on ? Développera-t-on une vraie culture du télétravail « raisonnable » ou s’empressera-t-on de l’oublier ? Dira-t-on aux équipes : « ça y est, c’est fini, maintenant il faut mettre les bouchées doubles et rattraper le temps perdu ! … » au risque d’achever des salariés déjà fatigués ? Se dressera-t-on contre ceux qui auront besoin de temps pour tourner la page d’une année difficile ? Acceptera-t-on le fait que certains ne repartiront pas « pouce en l’air » comme si rien ne s’était passé ? Sans oublier, au-delà des vrais plans sociaux des entreprises en difficulté, les éventuels plans sociaux d’opportunisme que les analyses commencent à mettre en lumière…

Changer la culture d’entreprise pour développer une vraie QVT, c’est le moment ou jamais car il y aura un avant et un après. Si la prise de conscience et la volonté de développer un management et des relations interpersonnelles « éthiques » sont là, la crise sanitaire aura servi à quelque chose. Dans quelque jours, la phrase habituelle que nous dirons tous, « Bonne année et surtout bonne santé », résonnera différemment. Elle sera précisément chargée de sens comme elle ne l’a sûrement jamais été. Nous ne serons plus dans un automatisme social, mais nous serons « authentiques ». Ces vœux auront du sens. Profitons-en pour redonner du sens au travail, la première composante à la source de la Qualité de Vie au Travail.

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